Un territoire et des tiers-lieux : récit d’un réseau en construction dans l’Avesnois-Thiérache

Le 6 février dernier à Béthune, l’événement « Sur le Pont » a rassemblé les cercles territoriaux et thématiques impliqués dans le projet régional des Tiers-Lieux 2024-2025. L’occasion de faire le point sur les avancées et de partager les projets en cours.

Nous en avons profité pour échanger avec Léa, référente du cercle territorial Avesnois-Thiérache. Dans cet article, elle revient sur la dynamique engagée sur ce territoire rural, situé à cheval entre le Nord et l’Aisne, de ses particularités et de ses perspectives.

L’histoire avant l’histoire

À partir de juin 2023, Léa nous raconte comment elle a commencé par identifier les tiers-lieux existants et les porteurs de projet sur le territoire : « lors de ces premiers mois, j’ai pu constater que les tiers-lieux en territoire rural ne répondaient pas forcément aux mêmes logiques que celles de l’économie sociale et solidaire (ESS) en milieu urbain. Beaucoup d’acteurs ne se définissaient pas comme « tiers-lieux », car ce terme est souvent associé aux tiers-lieux numériques portés par des collectivités.»

Léa a alors élargi le périmètre aux dynamiques locales relevant de l’ESS et du « faire tiers-lieu ». Au fil des différentes prises de contact, elle a pu rencontrer une douzaine d’acteurs* situés entre Le Quesnoy, Eppe-Sauvage et La Vallée au Blé (Aisne).

*Collectif Œuvrer, Efficience, Niofar, Badinage Artistique, Le Centrale, Le réseau des Tiers-lieux numériques de la CCPM, Les Croustillantes, La Ferme du Marteau, La Vie Sauvage, L’épi du bocage.

Les débuts en tant que collectif

La première brique du cercle a été posée lors de la rencontre collective en novembre 2023. Les participant·e·s ont pu y exprimer leurs attentes vis-à-vis du réseau. Ce qu’il en est ressorti ? L’envie et le besoin de mieux se connaître, de se rencontrer dans les lieux, d’identifier les spécificités des uns et des autres et de mailler le territoire. En bref, constituer une base solide pour commencer à imaginer les actions collectives qu’il serait possible de mener dans le cadre du projet FEDER 2024-2025.

En janvier 2024, la dynamique s’est élargie avec l’arrivée de nouveaux tiers-lieux comme La CO’cotte à Bohain-en-Vermandois, Les cabanes inspirées, le centre social l’APTAHR à Saint-Michel et Le Nouveau Souffle, encore en construction.

Aujourd’hui, le cercle rassemble des projets à différents stades de développement, des collectifs informels, des associations, des coopératives, mais aussi des collectivités comme les communautés de Communes du Pays de Mormal (CCPM) et des 3 Rivières (CC3R). Léa explique : « L’idée c’est d’ouvrir la dynamique à des acteurs locaux qui ne se revendiquent pas forcément “tiers-lieux”, mais qui partagent cette vision du “faire ensemble”. C’est cette diversité qui fait la richesse du réseau… »

Le fonctionnement actuel ? Tous les trois mois environ, les membres du cercle se retrouvent pour une journée de travail collectif, rythmée par :

  • Une visite de tiers-lieu pour mieux se connaître et partager des expériences,
  • Un temps de co-développement / de formation / de structuration du cercle.

Quels sont les 3 enjeux identifiés par le cercle au sein du territoire ?

Le premier grand défi est de réussir à créer du lien entre les différents acteurs du territoire : les habitants de longue date, mais aussi les néoruraux, les collectivités locales et les structures de l’économie sociale et solidaire (ESS). Comment co-construire un territoire où ces diversités se rencontrent et collaborent ? Pour Léa, « Les tiers-lieux ont un rôle clé à jouer en tant qu’espaces citoyens de rencontre, de réflexion et d’action, notamment pour répondre aux enjeux de mobilité, de lutte contre l’isolement et d’accès à la culture. C’est le cas par exemple de Badinage Artistique, un tiers-lieu culturel qui, en plus de proposer des activités artistiques, travaille avec les agriculteurs locaux et les habitants pour sensibiliser aux enjeux environnementaux ».

Un autre défi est de faciliter le développement des projets émergents, notamment en renforçant la solidarité entre structures et en facilitant l’accès aux financements. Léa nous explique :« Trop d’initiatives locales peinent à se pérenniser faute de ressources adaptées. C’est pourquoi nous devons composer avec les politiques locales, en légitimant notre action et en trouvant un langage commun avec les collectivités et les citoyens. »

Enfin, le cercle souhaite aussi encourager une dynamique d’ouverture des territoires. « Les coopérations entre l’Avesnois et la Thiérache illustrent cette volonté de décloisonner et d’expérimenter ensemble ». L’objectif est double : sensibiliser à la transition environnementale et sociétale portée par les tiers-lieux et renforcer leur impact en termes de création d’emplois dans l’ESS.

2024 : une dynamique bien lancée

Fin 2024, l’heure est au bilan : cinq rencontres collectives ont eu lieu, avec une présence régulière des membres. Petit à petit, Léa constate qu’un véritable « nous » émerge :

« Un signe fort de cette dynamique ? Les lieux ont commencé à se contacter directement entre eux. Le réseau a tissé des liens de confiance, et des projets de coopération voient le jour. Autre avancée encourageante : une ouverture progressive des intercommunalités à notre démarche. »

Côté défis, la principale difficulté reste le manque de temps. Les porteurs de lieux, déjà bien investis dans leurs projets, peinent à dégager des ressources pour structurer cette dynamique collective. À cela s’ajoute un contexte politique mouvant, qui peut ralentir certaines initiatives.

Les perspectives 2025 : consolider et structurer

Pour finir cet échange, Léa nous présente la vision du cercle en 2025 : « L’un des chantiers prioritaires de cette année 2025 sera de clarifier la raison d’être du cercle pour mieux aligner nos actions, renforcer notre impact et donner une direction claire à cette dynamique collective. Côté projets, voici nos différents axes de travail :

  • Continuer à sensibiliser et à nous faire connaître : nous avons envie de rassembler les habitant.es et créer des espaces de discussion sur la citoyenneté, en organisant par exemple, des temps forts dans des lieux ou dans le cadre des fêtes de village.
  • Renforcer les liens de proximité : l’un de nos membres souhaiterait créer un cercle sur le territoire de la Thiérache du Nord.
  • Créer des ponts avec d’autres acteurs de l’ESS : nous avons envie de renforcer la coopération avec des structures comme À Petits Pas, l’APES ou encore la Fabrique de Territoires. L’enjeu sera d’apprendre à mieux nous connaître, d’initier des synergies et d’améliorer notre coordination. 
  • Améliorer la communication entre nous, mais aussi vers l’extérieur : c’est un besoin qui s’est imposé naturellement dans le collectif. Comment pouvons-nous garder le lien entre les rencontres trimestrielles et créer des espaces d’échanges thématiques (numérique, culture, financements, gouvernance…) ? Nous avons aussi envie de rendre plus lisible, compréhensible le “qui on est” et “ce que l’on fait”. Cela pourrait passer par exemple par une la mise en place d’une communication externe partagée, avec une identité propre. Par ailleurs, la Communauté de Communes des 3 Rivières (CC3R) a pour projet de documenter notre aventure à travers un podcast. C’est une belle initiative qui nourrit autant le cercle que les tiers-lieux, en renforçant les connexions entre nous tout.es.

Enfin, l’ultime défi sera pérenniser le cercle au-delà du projet FEDER : pour ancrer cette dynamique dans la durée, il faut passer à l’action. Expérimenter, mesurer notre impact, montrer concrètement ce que cette mise en réseau apporte, y compris en dehors du cercle. Beaucoup d’acteurs sentent qu’il se passe quelque chose…nous devons continuer à faire ensemble».